Handicap sévère et troubles dans les conditions d’existence : non il n’est pas simplement question de préjudice économique

Avocat spécialisé en accidents médicaux à Grenoble

L’indemnisation des préjudices subis par les proches d’une victime lourdement handicapée, obéissant, comme pour les victimes directes au principe de la réparation intégrale, implique de sortir des sentiers bien souvent trop battus.

Alors que la nomenclature DINTHILLAC rappelle avec force, qu’elle n’est qu’indicative, et que tout préjudice, même en absent des postes dits classique, est indemnisable s’il est démontré et prouvé, force est de constater que les juridictions, assez attentives s’agissant des préjudices des victimes directes, s’avèrent moins souples relativement à l’indemnisation des victimes par ricochet.

La découverte de nouveaux préjudices pour les proches, s’inscrit souvent dans des contextes atypiques et malheureusement médiatiques, comme l’ont rappelé les arrêts rendus le 25 mars 2022 par la chambre mixte de la Cour de cassation (20-17.072 et 20-15.624), mettant un terme au processus de reconnaissance des préjudices d’angoisse et d’attente.

Mais, par un arrêt rendu le 10 octobre 2024 (23-11.736), la deuxième chambre civile de la Cour de cassation a rappelé l’importance du poste de préjudice caractérisant les troubles dans les conditions d’existence.

Au cas d’espèce, une fillette de 10 est victime le 26.05.2000 d’un gravissime accident de la circulation, occasionnant un traumatisme crânien grave impliquant des troubles neuro cognitifs, la rendant dépendante au quotidien et incapable de vivre seule.

Eu égard son jeune âge, la consolidation de son état de santé a été retenue au 3.04.2019 et ses parents et curateur ont saisit la justice pour liquider son préjudice.

S’est posé la question des troubles dans les conditions d’existence de la mère de cette jeune femme.

Cette dernière, mère au foyer au moment des faits, s’était investie totalement pour assumer le quotidien de sa fille. Dès lors et légitimement, elle sollicitait l’indemnisation des bouleversements, qu’avait occasionné le handicap de sa fille.

Or la Cour d’appel de Besançon, s’arrêtant à une lecture rapide de la nomenclature DINTHILLAC, a indiqué qu’état déjà mère au foyer au moment des faits, l’investissement dont elle faisait preuve caractérisait en réalité une aide humaine, dont sa fille avait déjà été indemnisée.

La Cour d’appel a, de manière manifestement erronée, déplacé le débat sur la question du préjudice économique du proche s’arrêtant de travailler pour assumer le rôle d’aidant.

La nomenclature DINTHILLAC prévoit expressément cette hypothèse, indiquant au regard du principe de prohibition d’une double indemnisation,  que soit déduit du préjudice économique du proche, l’indemnisation allouée au titre de l’aide humaine à la victime directe.

Malgré la faiblesse juridique du raisonnement, consistant à déduire du préjudice d’une personne celui reçu par une autre, la Cour de cassation applique régulièrement ce principe depuis le 8 juin 2017 ( Cass Civ 2 ; 08.06.2017 ; n°16-17319).

Mais au cas d’espèce, la victime par ricochet n’invoquait aucun préjudice économique, de nature patrimoniale, mais bien un préjudice extra patrimonial, découlant de trouble dans les conditions d’existence causés par l’indépassable handicap de son enfant.

Il est évident que l’existence de cette famille a été révolutionnée par le handicap d’un de ses membres.

Invoquant le principe de la réparation intégrale, la Cour de cassation juge :

« Les proches d’une victime directe handicapée, partageant habituellement avec elle une communauté de vie affective et effective, que ce soit à domicile ou par de fréquentes visites, peuvent être indemnisés d’un préjudice extrapatrimonial exceptionnel résultant des changements dans leurs conditions d’existence entraînés par la situation de handicap de la victime directe. Ce poste indemnise tous les bouleversements induits par l’état séquellaire de la victime dans les conditions de vie de ses proches.

(* * * )


En statuant ainsi, alors que la demande formée par un proche de la victime au titre d’un préjudice extrapatrimonial exceptionnel ne se confond pas avec l’indemnisation de celle-ci au titre de ses besoins d’assistance par une tierce personne, la cour d’appel, qui a relevé que la mère de la victime s’investissait quotidiennement, depuis l’accident, dans la prise en charge de sa fille souffrant d’importants troubles neurocognitifs et résidant toujours au domicile parental, n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé le principe susvisé
. »

Peut importe l’existence ou non d’un préjudice économique, les troubles dans les conditions de vie causés par un handicap d’un proche, demeurent indemnisables pour ceux partageant son quotidien.

Le cabinet Anaé avocat, spécialisé en droit du dommage corporel et inscrit dans le ressort de la Cour d’appel de Grenoble (Grenoble, Bourgoin Jallieu, Valence, Gap et Vienne) met à votre disposition son expérience et sa compétence pour vous assister et vous accompagner dans toutes les étapes de l’indemnisation de votre préjudice corporel.

Thibault Lorin

Avocat associé – spécialiste en droit du dommage corporel