Les conséquences d’un traumatisme crânien grave sont multiples. Si l’essentiel de celles-ci sont constituées de troubles cognitifs, malheureusement des séquelles motrices peuvent également se révéler. Dans cette dramatique configuration, l’habitat des victimes doit être ajusté à cette nouvelle situation de handicap.
Face à ce traumatisme particulier, comme à tout autre, la nomenclature DINTHILLAC pose le principe du droit de toute victime à un aménagement de son domicile, afin que les impacts du handicap soient concrètement, à tout le moins le plus possible, neutralisés.
Mais que recouvre le droit à l’aménagement du domicile ?
En pratique, la question du surcoût de l’aménagement du domicile d’une victime, propriétaire comme locataire, ne fait plus débat dans son principe (CA Bordeaux 26.06.2017 n°14/05953 pour l’achat et l’installation d’un monte escalier).
En revanche la question de l’emménagement dans un habitat adapté et plus précisément de la prise en charge du coût d’acquisition du logement demeure un point de crispation. La plupart de régleurs n’admettent pas le principe de la prise en charge de l’accès à la propriété pour des victimes, estimant que ces dernières y seraient nécessairement parvenus indépendamment de l’accident.
La Cour de cassation, sur ce point précis, accepte néanmoins que les victimes soient indemnisées également du coût d’acquisition, sous réserve qu’il soit concrètement démontré que ces dernières ont été contraintes d’acquérir un nouveau logement face à l’impossibilité d’aménager l’existant (Civ 2 ; 15.04.2010 n°09-14.137).
Un arrêt rendu par la Cour d’appel de Paris le 14 décembre 2023 (n°21/21187) s’inscrit dans cette mouvance. En l’espèce, une jeune femme gravement blessée à la suite d’un accident de la circulation conservait comme séquelles, des atteintes des fonctions supérieures associant un syndrome frontal, un syndrome dysexécutif, des troubles de l’attention et de l’organisation, des difficultés de reconnaissance de certains objets, ainsi qu’une hémiplégie gauche, sur le plan ophtalmologique, une vision altérée et une profonde dépression.
Son état nécessitait une surveillance constante mais aussi l’utilisation permanente d’un fauteuil roulant électrique manipulé par joystick, nécessitant une adaptation de son habitat. N’étant pas propriétaire au moment de l’accident, elle avait vécu 10 ans en institution et souhaitait pouvoir déménager.
Ainsi se posait la question de la prise en charge du coût d’acquisition du nouveau logement.
Or le régleur (le fonds de garantie des assurances obligatoire) s’opposait à cette prise en charge spécifique estimant d’une part que le choix d’accession à la propriété demeurait un choix personnel de la victime, pouvant demeurer locataire et, d’autre part que l’indemnisation intégrale de la perte de gains professionnel futurs était censée régler les coûts futurs de locations ou d’acquisition.
Sans véritable surprise, au regard de la situation concrète de la victime, la Cour d’appel de Paris a fait droit à sa demande de prise en charge du coût d’acquisition, notant que cette jeune femme ne disposait d’aucune autre solution pérenne que l’accès à la propriété.
En revanche, la Cour précise de manière importante que : « l’indemnisation de la perte de gains professionnels futurs est, contrairement à ce qu’avance le FGAO, sans incidence sur l’évaluation du poste de préjudice distinct lié au frais de logement adapté ».
Cette précision est d’importance, dès lors qu’elle confirme, en application du principe de non-affectation, que l’on ne peut contraindre une victime à affecter l’indemnisation obtenu au titre d’une perte de gains à l’acquisition d’un logement.
Sur ce dernier point, on se contentera de rappeler que l’entretien d’un logement adapté au handicap est plus complexe que celle d’une habitation classique pour convaincre de la pertinence de cette motivation.
Cette décision, rendue en 2023 pour un accident survenu en 2006 démontre de l’intensité du combat judiciaire, mené par des victimes gravement handicapées, confrontées à des positionnements assurantiels occasionnant des années de procédures et d’argumentation. Une assistance par un avocat spécialisé à tous les stades procéduraux est indispensable.
Le cabinet Anaé avocat, spécialisé en droit du dommage corporel et inscrit dans le ressort de la Cour d’appel de Grenoble (Grenoble, Bourgoin Jallieu, Valence, Gap et Vienne) met à votre disposition son expérience et sa compétence pour vous assister et vous accompagner dans toutes les étapes de l’indemnisation de votre préjudice corporel.
Thibault Lorin
Avocat associé – spécialiste en droit du dommage corporel